mercredi, mars 12, 2014

Teixeira de Pascoaes, Aphorismes


L'âme doit être élevée par le corps

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La lumière des yeux dévore tout. Être vu c'est presque mourir.

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Le démon, le singe, la vieille créature modelée en chair et en sang, est l'ombre de l'ange que nous étions avant d'être et que nous serons après avoir été. Mais vient l'heure où une troisième personne vient nous compléter et nous définir, l'heure où nous devenons quelqu'un d'autre, l'heure de la seconde naissance.

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L'homme est un château suspendu dans l'air. Ce qu'il a de non existant, c'est ce qui lui donne l'existence. L'erreur dans laquelle il vit, c'est ce qui lui donne vie. Toute la réalité de son corps s'appuie sur le mensonge de son âme.

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La pierre représente l'extase absolue, la sérénité absolue, le stade mort et angélique des choses.

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La mort est la personne féminine de Dieu.

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Vivre c'est avoir faim ! La vie est faim : faim d'âme et de pain ! Faim noire !

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La banalité est une oeuvre terrible de nos yeux.

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Le singe et la mort ! Voilà les deux personnes véritables de ce faux dieu que nous sommes ; un dieu misérable que la Charité a consacré. mais il possède une vertu que les autres dieux ne possèdent pas : la franchise d'apparaître.

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Le soleil nous frappe les yeux, tout comme nous frappons à une porte qui ne s'ouvre pas.

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Quel drame que celui de la digestion ! Surtout la dernière scène.

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Comment un animal qui fume peut-il croire en l'immortalité ?


Teixeira de Pascoaes, Aforismos, Assirio e Alvim, 1998.
Traduction du portugais : Pierre Delgado