lundi, mars 22, 2010

Les femmes libres et l'opinion publique...


“ Il y a des épines partout, mais les roses se trouvent au-dessus d'elles dans la carrière du vice; il n'y a que dans les sentiers bourbeux de la vertu que la nature n'en fait jamais naître. Le seul écueil à redouter dans la première de ces routes, c'est l'opinion des hommes; mais quelle est la fille d'esprit qui, avec un peu de réflexion, ne se rendra pas supérieure à cette méprisable opinion? Les plaisirs reçus par l'estime, Eugénie, ne sont que des plaisirs moraux, uniquement convenables à certaines têtes; ceux de la fouterie plaisent à tous, et ces attraits séducteurs dédommagent bientôt de ce mépris illusoire auquel il est difficile d'échapper en bravant l'opinion publique, mais dont plusieurs femmes sensées se sont moquées au point de s'en composer un plaisir de plus. Fouts, Eugénie, fous donc, mon cher ange; ton corps est à toi, à toi, seule; il n'y a que toi seule au monde qui aies le droit d'en jouir et d'en faire jouir qui bon te semble.
Profite du plus heureux temps de ta vie: elles ne sont que trop courtes, ces heureuses années de nos plaisirs! Si nous sommes assez heureuses pour en avoir joui, de délicieux souvenirs nous consolent et nous amusent encore dans notre vieillesse. ”

D. A. F. de Sade

La Philosophie dans le boudoir,

ou Les Instituteurs immoraux, 1795