vendredi, janvier 23, 2015

Le Fils-de-pute # 2


« Ce qui se produit, c'est que tout fils-de-pute, sans renier sa race ni perdre la face, s'organise en parties et partis qui se complètent mutuellement pour qu'il puisse avoir un pied ici, l'autre là, et la tête des deux côtés : disons que des parties au départ opposés se rejoignent dans la même société, et des sociétés différentes dans le même parti. Et tout cela se rassemble alors dans le grand corps appelé nation, dont l'esprit finit par n'être rien d'autre que la projection même du fils-de-pute. C'est là, dans le corps appelé nation, que tout fils-de-pute, se spécialise pourtant selon sa vocation en deux manières apparemment d'être fils-de-pute : c'est un phénomène que le fils-de-pute lui-même, dans sa terminologie, appelle « concertation de mesures », coordination d'organes divers », ou « action sur divers fronts » ou simplement « rationalisation, étant donné que ce phénomène constitue pour lui le processus le plus raisonnable et le plus efficace pour se préoccuper des autres et pour leur interdire, ou tout au moins leur rendre difficile l'absence de préoccupations. Donc, tous les fils-de-pute n'utilisent pas leur génie d'une manière identique et homogène, et c'est aussi pour cela qu'il est si difficile de comprendre et de définir le fils-de-pute de manière concluante et universelle. Il y a des fils-de-pute dont la vocation est de faire et des fils-de-pute dont la vocation est de ne pas laisser faire et se sont là (on peut l'affirmer dès maintenant) les deux types universels et éternels de fils-de-pute. »

Alberto Pimenta, Discours sur le Fils-de-pute, L'Insomniaque, 1996, traduit du portugais par Robert Massart (Ed. Teorema, Lisbonne, 1977)