lundi, juillet 06, 2015

Errare humanum est, perseverare diabolicum, ou La Saignée n'a pour objet que d'affaiblir...


" Je suppose (...) qu'un médecin, occupé depuis longtemps à soigner une maladie dont il ne peut triompher, se présente un jour, après de profondes méditations, à son malade, et lui dit ; Il faut pourtant vous tirer de là, et j'ai imaginé un moyen. Quel est-il ? De vous saigner. Comment ! de me saigner ! On saigne les animaux qu'on veut égorger, mais on ne saigne pas les hommes. Non, jusqu'ici, j'en conviens, on n'a pas saigné les hommes ; mais c'est un essai à faire. On ne vous ôtera pas du sang assez pour vous tuer, mais on vous ôtera assez pour guérir. Comment savez-vous que vous ne me tuerez pas en me saignant, et que vous ne me tirerez tout juste que le sang qu'il faut tirer pour me guérir, puisque vous n'avez jamais fait cette expérience, et sur quoi vous fondez-vous pour la faire ? Je me fonde sur ce qu'un de mes malades, atteint d'une maladie semblable à la votre, a été guéri après une abondante hémorragie. La nature a opéré cette crise, et l'art doit imiter la nature. Je ne nie point le fait que vous rapportez, mais j'en nie la conséquence. Je ne voie dans l'hémorragie dont vous me parlez qu'un accident et non pas un remède, et dans la saignée que vous voulez substituer à l'hémorragie qu'un mal nouveau que vous me proposez d'ajouter au mien. Si votre imagination ne vous fait trouver rien de mieux que de me percer les veines pour me guérir, je vous crois l'esprit plus malade que je n'ai le corps ; et je commence à redouter moins la maladie dont je souffre, que les violents conseils que vous me donnez pour m'en délivrer. " 
Traité contre la saignée dans lequel on montre qu'elle est pernicieuse dans toutes les maladies suivi de Quatre essais de médecine, par Jean-Antoine Gay, membre de l'ancienne faculté de Médecine, et de l'ancienne Société d'Agriculture et des Arts de Montpellier; ci-devant médecin d'un hôpital de la même ville. 
De l'imprimerie des frères Mame, rue du Pot-de-Fer, n° 14, Paris, 1808