mardi, février 20, 2007

Echapper au désir, ou désir d'échapper ?

A travers le cas du célèbre illusionniste américain Houdini, le psychanalyste Adam Phillips, dans son livre "La boite de Houdini - L'art de s'échapper", parle de ce désir étrange qui nous pousse à construire, de nos propres mains, de savants dispositifs auxquels nous nous efforçons d'échapper. Et nous dit en substance que nous nous définissons autant par ce que nous recherchons dans nos vies, que par ce que nous cherchons à éviter, tout ce qui nous inquiète et nous fait peur. Tout ce qui touche de trop près à certains désirs auxquels nous ne pouvons supporter de nous confronter.

Un extrait :
"Nous sommes seulement les supports d'un désir qui flotte librement en quête de cibles. Si nous avons une relation primaire avec quoi que ce soit, ce n'est pas avec une autre personne, mais avec notre propre désir. (...) Les autres sont ce à quoi nous attachons notre vouloir. (...).
Les différences diversement construites entre les sexes sont souvent conçues en termes de ce que chaque sexe est censé être quand il fuit l'autre. (Les hommes fuiraient l'engagement réfléchi, les femmes fuiraient leur brutalité impitoyable, par exemple.) Et dans la géographie émotionnelle des échappatoires sexuelles (modernes), on suppose souvent que les gens feraient mieux de ne pas s'enfuir en courant. Que, sauf dans les cas extrêmes de brutalité ou de brimade, il y a des choses auxquelles il vaut mieux se confronter (la dépendance, par exemple, ou le caractère inévitable de la trahison ou de la déception). Mais l'échelle des peurs entre les gens — les terreurs et les incertitudes que les gens se créent les uns les autres — fait qu'une vie de sorties et d'entrées plus occasionnelles est virtuellement une nécessité. Tout le reste est presque exclusivement de l'ordre de la vie imaginaire.
Une personne qui s'enfuit de quelque chose, remarquait un jour le psychanalyste hongrois Michael Balint, s'enfuit aussi vers quelque chose. Si nous privilégions (comme le font les psychanalystes et les autres) ce à quoi nous échappons et estimons que c'est plus réel — ou d'une manière ou d'une autre que cela a plus de valeur — que ce vers quoi nous nous échappons, nous préférons ce dont nous avons peur à ce que nous semblons désirer. La peur de quelque chose (ou de quelqu'un) et la volonté d'y échapper lui confèrent une spectaculaire réalité. (Si vous voulez échapper à quelqu'un, c'est qu'il est devenu très important pour vous.) Les choses ne sont pas effrayantes parce qu'elles sont réelles, elles sont réelles parce qu'elles sont effrayantes. La peur confère de la puissance à ses objets."


Adam Phillips. La boite de Houdini, L'art de s'échapper. Payot 2005.

Le bonheur n'est pas de l'autre côté de la porte, il est de passer la porte. On ne jouit pas de la liberté, mais de se libérer...

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

libérons nous et passons les portes!

février 20, 2007 4:45 AM  
Anonymous Anonyme said...

intéressant. mais difficile à réaliser :)

février 21, 2007 3:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

Le grand œuvre (évidemment difficile) à remettre pourtant sans cesse sur le métier : la transformation de notre vie. Tous les jours.
Merci Flower. Merci Mikako.

février 23, 2007 11:41 PM  

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