le Fils-de-pute # 3
«
Voilà pourquoi lui le fils-de-pute (même quand il ne le sait pas
encore) mène généralement une vie occupée, il est d'autant plus
préoccupé qu'il est plus fils-de-pute, il est préoccupé par ses
occupations et pas l'absence de préoccupations des autres, il vit
dans une inquiétude permanente même quand il affiche le calme; tout
ce qui est nouveau le dérange, lui est une cause de tourments et de
crainte. mais plus il éprouve de la crainte, plus il se tourmente,
et plus grand est son besoin de continuer à faire, de faire toujours
plus, ou alors de continuer à ne pas laisser faire, à de moins en
moins laisser faire. Et plus il fait, ou moins il laisse faire, plus
grande est sa crainte : la crainte de ne pouvoir indéfiniment
continuer à faire ce qu'il fait, ou bien à ne pas laisser faire ce
qu'il ne laisse pas faire, crainte de l'avenir et du présent, et
même presque toujours du passé. Le fils-de-pute n'est jamais
satisfait : c'est pourquoi il accumule, pourquoi il tente d'accumuler
tout ce qu'il considère comme des avantages. Voilà pourquoi il est
envieux, toujours envieux, envieux de tout; voilà pourquoi il dort
mal, pourquoi il est constipé, pourquoi il a des maux de tête. Le
fils-de-pute sent qu'il devrait être constamment en éveil, très
actif, de plus en plus attentif aux principes qui conduisent à
réunir les moyens de réaliser ses fins; le fils-de-pute est rongé
par la douleur de « perdre » son temps à dormir, déplore l'«
effet » de « perdre » son temps à déféquer, et voilà pourquoi
il se retient de déféquer; voilà pourquoi enfin la place des fèces
du fils-de-pute est à l'intérieur du fils-de-pute et non hors du
fils-de-pute. »
Alberto Pimenta, Discours sur le Fils-de-pute, L'Insomniaque, 1996, traduit du portugais par Robert Massart (Ed. Teorema, Lisbonne, 1977)
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