vendredi, septembre 21, 2012

Dégénérescence de la monnaie


“ Pour en revenir plus spécialement à la question de la monnaie, nous devons encore ajouter qu’il s’est produit à cet égard un phénomène qui est bien digne de remarque: c’est que, depuis que la monnaie a perdu toute garantie d’ordre supérieur, elle a vu sa valeur quantitative elle-même, ou ce que le jargon des « économistes » appelle son « pouvoir d’achat », aller sans cesse en diminuant, si bien qu’on peut concevoir que, à une limite dont on s’approche de plus en plus, elle aura perdu toute raison d’être, même simplement « pratique » ou « matérielle », et elle devra disparaître comme d’elle-même de l’existence humaine. On conviendra qu’il y a là un étrange retour des choses, qui se comprend d’ailleurs sans peine par ce que nous avons exposé précédemment : la quantité pure étant proprement au-dessous de toute existence, on ne peut, quand on pousse la réduction à l’extrême comme dans le cas de la monnaie (plus frappant que tout autre parce qu’on y est déjà presque arrivé à la limite), aboutir qu’à une véritable dissolution. Cela peut déjà servir à montrer que, comme nous le disions plus haut, la sécurité de la « vie ordinaire » est en réalité quelque chose de bien précaire, et nous verrons aussi par la suite qu’elle l’est encore à beaucoup d’autres égards; mais la conclusion qui s’en dégagera sera toujours la même en définitive : le terme réel de la tendance qui entraîne les hommes et les choses vers la quantité pure ne peut être que la dissolution finale du monde actuel. ”

René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Chap. XVI : La dégénérescence de la monnaie.

lundi, septembre 10, 2012

Un madrigal du Cinquecento


« Io non compro più speranza,
ch’egli è falsa mercanzia.
A dar solo attendo via
quella poca che m’avanza.

« Cara un tempo la comprai
hor la vendo a buon mercato.
E consiglio ben che mai
non ne compri un venturato… »


Je n’achète plus l’espérance,
Car c’est fausse marchandise.
Je m’attends seulement à voir s’en aller
Ce peu qui me reste.

Un temps je l’achetais cher,
Maintenant je la vends à bon marché.
Et je conseille bien que jamais
N’en achète un heureux.