jeudi, janvier 12, 2017

Falsification




" Un aspect de la disparition de toute connaissance historique objective se manifeste à propos de n’importe quelle réputation personnelle, qui est devenue malléable et rectifiable à volonté par ceux qui contrôlent toute l’information, celle que l’on recueille et aussi celle, bien différente, que l’on diffuse; ils ont donc toute licence pour falsifier. Car une évidence historique dont on ne veut rien savoir dans le spectacle n’est plus une évidence. Là où personne n’a plus que la renommée qui lui a été attribuée comme une faveur par la bienveillance d’une Cour spectaculaire, la disgrâce peut suivre instantanément. (...).
Il est permis de changer du tout au tout le passé de quelqu’un, de le modifier radicalement, de le recréer dans le style des procès de Moscou; et sans qu’il soit même nécessaire de recourir aux lourdeurs d’un procès. On peut tuer à moindres frais. Les faux témoins, peut-être maladroits — (...) — et les faux documents, toujours excellents, ne peuvent manquer à ceux qui gouvernent le spectaculaire intégré, ou à leurs amis. "
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, Éditions Gérard Lebovici, Paris, 1988